LA VIE EST NULLE… SANS BULLES BELGES !

Texte de Marc Vanel pour L’Essentielle Vino du vendredi 16 novembre 2016, en supplément de la DH et de la LB;

Le succès des deux plus grands vignobles
belges, Wijnkasteel Genoels-Elderen
en Flandre et le vignoble des Agaises
en Wallonie, n’y est évidemment pas
pour rien. Les vins effervescents de
ces deux domaines ont véritablement boosté
la production de bulles en Belgique, suscitant
les vocations dans les deux régions. Plus de
630.000 bouteilles de vin mousseux ont été
produites l’an dernier et ce n’est pas près de
s’arrêter.

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En Flandre…
Le premier vin mousseux belge a été présenté
en 1998 par Paul Vleminckx, ancien fabricant
de moutarde, à Oud-Heverlee, à deux pas de
Louvain, au domaine Chardonnay Meerdael.
Aujourd’hui, l’homme produit 60.000 bouteilles
d’effervescents blancs (Chardonnay) et rosés
(Pinot noir et meunier).
Il a rapidement été rejoint par le Wijnkasteel
Genoels-Elderen, situé à Riemst, au
nord de Liège. Les premières plantations
de Chardonnay et de Pinot noir datent là
de 1991 mais les vins des débuts sont
tranquilles. L’oenologue et fille du propriétaire
Joyce Kékkö-van Rennes s’est formée
à l’Université du vin de Suze-la-Rousse en
Bourgogne. Mais, explique-t-elle, “la situation
septentrionale du vignoble ne permet pas
d’atteindre chaque année la maturité naturelle
optimale de 12 % vol., alors que produire des
vins mousseux ne demandant que 10,5 % vol.
est tout à fait possible, cela a rapidement été
une alternative parfaite qui nous permettaient
de garantir une qualité constante.”
Actuellement, Genoels-Elderen produit
100.000 litres de vin dont la moitié est
transformée en bulles : 44000 Zwarte Parel
(Blanc de blancs, min. 18 mois sur lattes),
12000 Zilveren Parel (Blanc de blancs, coeur
de cuvée, un an d’élevage en barrique sur lies
avec bâtonnage et minimum 36 mois sur lattes)
et 9 000 bouteilles de Rose Parel (Chardonnay
et Pinot Noir, rosé, min. 18 mois sur lattes).
En quelques années, la
production d’effervescents
a triplé en Belgique et
près de deux bouteilles
de vin belge sur trois
pétillent ! Retour sur un
véritable phénomène.

“Par contre, continue-t-elle, en 2016, nous ne
produirons pas de mousseux, car la maturité
est telle que nous avons atteint 13 % vol. sans
chaptaliser ! C’est la nature qui nous guide,
c’est elle qui décide de ce que nous produirons
à l’avenir selon l’équilibre acidité-sucre obtenu.”
Ces vins sont fort appréciés dans l’horeca et
se situent dans une gamme de prix entre 16 et
23 euros.
Non loin, à Vliermaal (Kortessem), Wilfried
Schorpion est, avec seulement deux hectares,
un véritable artisan de l’effervescent. “Nous ne
faisons que des vins mousseux car notre climat
est idéal pour cela. Nous ne sommes qu’à
200 km à vol d’oiseau de la Champagne, les
conditions climatiques sont assez semblables.
Pour faire un vin blanc ou rouge, commente-t-il,
il faut vendanger avec la plus grande maturité
possible tandis que pour les mousseux, un
taux d’alcool naturel de 10 % vol est suffisant.
Avec une teneur en alcool plus élevée, il est
difficile d’obtenir le démarrage de la seconde
fermentation en bouteille. En outre, l’acidité du
raisin doit être suffisamment haute pour donner
au vin sa fraîcheur. Et cela, nous pouvons
l’atteindre pratiquement chaque année. Nous
vendangeons simplement plus tôt ou plus tard en
fonction des conditions météorologiques, mais
avec la maturité optimale. La contrainte climatique
devient ici un atout. C’est aussi la raison pour
laquelle on fait du champagne en Champagne…”.
Les trois cuvées de Wilfried Schorpion, Brut
noir, Brut Nature et Brut d’or, sont élaborées
avec des cépages nobles, Chardonnay et Pinot
noir pour les deux premiers, complétés par de
l’Auxerrois pour le dernier. Mais le véritable joyau
du domaine Schorpion est le Brut Fibonacci,
élaboré en intégrant au vin de l’année des jus
des millésimes entre 1999 et 2008. L’opération
lui confère une finesse incroyable mais entraîne
également un prix de vente tournant autour des
40 euros contre 20 pour les autres.
Un excellent complément
Plusieurs autres vignerons flamands produisent
quelques centaines ou milliers de bouteilles de
vins mousseux lorsque la récolte des cépages
blancs n’est pas aussi bonne qu’espérée ou si
l’acidité de leurs raisins est trop élevée.
Chez Aldeneyck, dix hectares non loin
de Maaseik, Karel Henckens élabore
10.000 mousseux sur les 75.000 de sa
production, et escompte passer rapidement
à 25.000 bouteilles. Son Pinot Brut (Pinots
blanc, gris et noir – 12 mois sur lattes) va être
complété par le Chardonnay Heerenlaak
Brut (100 % Chardonnay, 24 mois sur lattes)
actuellement en élevage et qui sera officiellement
présenté le 10 septembre 2017 ! Le remuage
des bouteilles est effectué en Alsace.
Dans son vignoble de Pietershof dans les
Fourons, Piet Akkermans marie de façon
très originale Riesling et Pinot gris pour créer
le Crémant de Crindael. L’élaboration du vin
est en réalité confiée à un producteur de vins
effervescents allemand (“Sekterei”) ; 1300 à
2000 bouteilles sont ainsi commercialisées
chaque année.
Dans le Heuvelland, non loin de la frontière
française, Martin Bacquaert produit dans
son domaine Entre-deux-Monts les cuvées
Wiscoutre en blanc et en rosé à un rapport
qualité/prix très intéressant. A découvrir !
Là aussi, le succès est au rendez-vous. Et même
s’il n’a fait que 25.000 bouteilles en 2015, Martin
espère en obtenir 70.000 en 2020 !
A deux pas, Edward et Katrien Six produisent
à Dranouter au domaine Wijngoed Monteberg
de très bons vins blancs et rouges, mais aussi
des effervescents depuis quelques années :
Kerner Brut et Brut Rosé (10.000 litres en
2015).
Terminons ce tour des Flandres en citant la
cuvée Joseph de Hagelander, le domaine
de l’ancien ministre Rik Daems ou les vins
Optimbulles à Stevoort. Après avoir baptisé
son domaine du nom de Champinnot, les trois
amis associés dans ce projet ont été obligés
par le Comité Champagne de changer de nom,
l’appellation Champagne et ses dérivés étant
protégée par une loi en France.
Et en Wallonie
Au sud du pays, le marché est tiré vers le
haut par le domaine des Agaises qui est le
plus grand producteur de vin effervescent en
Belgique avec quatre cuvées, toutes en méthode
traditionnelle : Ruffus blanc de blancs Brut
(100% Chardonnay, 120.000 bouteilles en
2015), Ruffus Brut sauvage (100 % Chardonnay,
non dosé, 30.000 bt), Ruffus Rosé brut (25 %
Pinot noir, 25 % Pinot meunier, 50 % Chardonnay,
20.000 bt) et lors d’un grand millésime, Ruffus
millésimé Franco Dragone (3.000 bt).
“Nous avons choisi les bulles avant même
de planter, se rappelle Raymond Leroy, car le
terroir était parfait pour cela. Nous sommes sur
le lieu-dit ‘Les Terres blanches’, sur une craie
affleurante, avec la dalle calcaire à moins de
30 cm du sol comme sur la Côte des Blancs, et
grâce à l’expérience du producteur champenois
Thierry Gobillard, nous savions que c’est dans
cette élaboration qu’on tirerait le meilleur
du terroir.”
De 2 hectares en 2002, le vignoble en compte
aujourd’hui 21, dont 18 en production. Et la
totalité de la production est déjà achetée avant
de sortir des chais…
“Nous avons aujourd’hui une demande pour
300.000 bouteilles, mais nous ne pouvons
produire actuellement que la moitié, déplore
Raymond Leroy. Nous avons des vignes qui ne
produisent pas encore et d’autres qui doivent
encore être plantées, nous devrions donc
augmenter notre production de 30 à 40 % dans
les prochaines années, toujours avec cette
Le domaine Entre-deux-Monts à Heuvelland
Le domaine Schorpion à Vliermaal
BELGIQUE
BELGIQUE
méthode, même si avec un millésime comme
2016, on pourrait envisager de faire un grand
blanc à la bourguignonne…”
A deux pas de là, à Quévy-le-Grand, sur le
même type de sols s’est installé en 2009 le
domaine du Chant d’Eole, une association
originale avec un Champenois d’origine belge,
Filip Remue, et un important fermier local,
Louis Ewbank de Wespin. Neuf hectares de
Chardonnay, de Pinot noir et de Pinot blanc
ont été plantés en avril 2011, deux hectares
vont l’être l’an prochain. En 2015, la vendange
a permis d’élaborer 100.000 bouteilles de
Blanc de Blancs qui sortiront fin 2017 ainsi que
15.000 bouteilles de Rosé.
Le domaine dispose d’un très beau chai
avec une salle de dégustation panoramique
disponible pour les événements. Avis aux
amateurs.
Conscients du potentiel des effervescents,
d’autres producteurs se sont lancés dans
l’aventure. Non loin de Namur, Philippe
Grafé est l’un des artisans du renouveau
de la viticulture wallonne. Inspiré par un
« sparkling wine » anglais, il lance en 2003 au
domaine du Chenoy une production de vins
qui va véritablement en inspirer quelquesuns.
Parmi ses six ou sept vins, la Perle de
Wallonie est issue des cépages Johanniter,
Helios et Bronner. Aujourd’hui, il produit
15.000 mousseux blancs et 5000 rosés.
Mondialement reconnue pour son art de vivre, la France doit, entre
autres, sa réputation à sa gastronomie et à ses nombreux vignobles.
Chaque région de France propose en effet différents types de vins.
Pour les adeptes de bons crus, rendez-vous à Bordeaux pour visiter
les vignes de Saint-Emilion, prendre des cours d’oenologie ou
encore s’accorder une visite culturelle à la Cité du vin qui a ouvert
ses portes le 31 mai dernier.
Pour ceux qui préfèrent les bulles, direction l’est de la France pour
découvrir le Crémant d’Alsace, un vin mousseux d’appellation
d’origine contrôlée produit dans tout le vignoble de la région.
Il est principalement issu du cépage Pinot blanc, du Pinot gris,
du Pinot noir, du Riesling, de l’Auxerrois ou du Chardonnay et sa
méthode d’élaboration est identique à celle
du Champagne.
Pour pouvoir profiter de chaque dégustation, le train est le moyen
de transport le plus rapide, le plus confortable, le moins cher et le
plus sûr pour partir à la découverte des vins de France au départ de
Bruxelles.
Pour réserver votre prochain séjour vers la France, rendez-vous sur
Voyages-sncf.com, le site propose des prix à partir de
49 euros pour Strasbourg (3h30), Mâcon (3h38) et Bordeaux
(en à peine plus de 5h). Véritable guide de voyages, la plateforme
propose l’ensemble des trajets en Thalys entre la Belgique,
l’Allemagne, les Pays-Bas et la France, en Eurostar vers Londres,
Lille et Paris et les lignes directes en TGV reliant Bruxelles à
26 grandes villes françaises.
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Domaine du Chant d’Eole à Quévy-le-Grand
Vendanges aux Agaises
ESSENTIELLE NOVEMBRE 16 32
BELGIQUE
“Nous avons choisi, explique-t-il, de produire
des bulles car nous voulions augmenter
notre gamme et ainsi de toucher un public
plus large et d’autres circonstances (fêtes,
anniversaires, mariages…). Etant donné que
les ventes augmentent chaque année, je pense
que nous allons essayer de produire entre
25.000 et 30.000 bouteilles de mousseux par
an, ce qui sera le maximum pour nous.”
Juste à côté du Chenoy, Jean-François Baele
est quant à lui le plus jeune vigneron de Wallonie.
Pour lui, faire des bulles, “c’est ce qu’il y a de plus
réaliste sous notre climat”. Plusieurs effervescents
figurent à sa carte : blancs et rosés, mais aussi
un demi-sec très original, et il a bien l’intention de
tripler sa production dans les six ans !
A Liège, la coopérative Vin de Liège se
déploie depuis 2011 et a d’emblée cherché à
développer une gamme complète de vins : blancs,
rouges, rosés et donc effervescents. Près de
10.000 bouteilles de bulles ont été produites en
2015 et cela ne va pas s’arrêter. “La demande
est actuellement très forte, se réjouit Alec Bol,
administrateur-délégué, et nous sommes en
rupture de stock 10 mois par an ! La production ne
peut donc aller qu’en augmentant…”
Parmi les autres expériences de bulles
wallonnes, relevons les Bulles pour Elle et
Bulles pour lui du domaine de Mellemont
à Thorembais-les-Béguines de très bon niveau
(10.300 bt/an) ainsi que les effervescents du
domaine de Bioul (env. 18000 bt/an), le Brut
de Bioul (un blanc de blancs) et le Brut des
Houillères, un élégant rosé à base de Pinotin.
Les outsiders
A Huy, les trois repreneurs du Clos Bois Marie
ont créé un nouveau vignoble à deux pas de
celui-là avec des cépages interspécifiques et
ont commencé par faire des bulles. “Mais vu le
résultat commercial, déclare Alain Dirick, nous
comptons continuer et avons planté entretemps
du Gamaret et du Divico pour faire une bulle
rosée à partir de 2017. Nous espérons atteindre
1500 bouteilles de bulles d’ici deux ou
trois ans.”
A Torgny, ensuite, le domaine le plus au sud
du pays, le Poirier du Loup, le seul vignoble
communal de Belgique, produit trois Pétillants
de Torgny : “Notre ambition, déclare Daniel
Dries, président de l’asbl, est d’atteindre les
10 000 bouteilles, blanc de blanc, rosé, en
variante extra-brut, brut et demi-sec, voire faire
du pétillant rouge (nous en en avons déjà fait au
moment des fêtes)”.
Enfin, pour clôturer ce tour de Belgique, revenons
à Yvoir où le Château Bon Baron à la gamme
riche de 15 références déjà, vient de sortir cette
année deux mousseux qui remportent déjà un
beau succès : ‘La Baronne’ (5000 bt – 50/50 Pinot
noir et Chardonnay) et ‘Formidable’ (5000 bt –
Pinot gris, Pinot blanc et Auxerrois). “Je voulais
compléter ma gamme mais cette production va
rester modeste, explique Jeanette Van der Steen,
je ne ferai que maximum 10.000 bouteilles de
chaque cuvée, comme mes autres vins. Je suis
une des seules à faire toute la gamme des vins en
Wallonie, et même en Belgique.”
Ces vins sont disponibles à la propriété,
chez quelques rares cavistes (Mig’s
World Wine, D’Ici, Belartisan) ou en ligne
notamment chez Belgian Wines,
Oeno-Belgium et Popsss.com.
Bonnes fêtes à vous !
Jean-François Baele au domaine du Ry d’Argent
Marcel Mestrez, Frédéric Lepage
et Alain Dirick au Clos Bois Marie (Huy)
Jeanette Van der Steen du Château Bon Baron
Fabrice Collignon, Romain Bévillard
et Alec Bol au vignoble Vin de Liège