Portraits de vignerons (5)
Le domaine des Marnières à Warsage:
BENOÎT HEGGEN
L’un des pionniers de la vigne en Wallonie est sans conteste Benoît Heggen, producteur de pommes et de poires, qui produisait déjà au début des années 1990 des vins de fruits. Lors d’une soirée dans un club d’œnophiles, il décide d’essayer de faire du “vrai” vin et plante ses premiers pieds de vigne en 1995 dans son jardin (alors que sa maison n’est pas encore construite). Rien d’énorme, juste 300 pieds de Sieger, d’Auxerrois, de Pinot gris, de Riesling et de Müller-Thurgau.
Ne conservant que les variétés qui donnent les meilleurs résultats, Benoît Heggen replante à l’avant de sa propriété et en 2004 rachète les 43 ares de “La Petite Marnière” non loin de là planté de pieds hétéroclites qu’il arrache pour replanter du Pinot gris, du Chardonnay et du Pinot noir. En 2011, un fermier voisin accepte de lui louer une grande parcelle en face du fort d’Aubin-Neufchâteau, il la baptise “La Grande Marnière” et plante à nouveau du Chardonnay, Pinot noir et Pinot gris, qui vont devenir sa signature.
Aujourd’hui, Benoît exploite 5,5 hectares si l’on compte la parcelle de Zweitgelt planté en contrebas du village. Au total, 20.000 pieds, la moitié en blanc et l’autre en rouge.
“En blanc, j’ai 75% de Chardonnay, déclare-t-il, 10% de Pinot gris, mais aussi 15% de Solaris. En rouge, c’est plutôt 75% de Pinot noir, et 25 de Zweitgelt. J’ai aussi planté du Pinot Kors (rouge), parfait pour le rosé et du Pinot Kersus (blanc)à idéal comme base au crémant.”
Comme il a coutume de le dire, Benoît Heggen a pour ambition de proposer un vin pour chaque moment du repas. Un Pinot gris, avec un peu de sucre résiduel pour l’apéritif, un Chardonnay passé en fût de chêne (pour soutenir son caractère fruité) pour les entrées, un Pinot noir (lui aussi passé en fût de chêne neuf) pour les repas et un vin liquoreux pour le dessert (assemblage de Chardonnay, Sieger et Pinot gris, méthode vin de paille).
“J’aimerais faire un vin qui goûte le paysage, confie-t-il. Je travaille en mono-cépage car j’ai envie que les gens puissent se dire que ce cépage-là goûte cela sur ce terroir-là, même si l’on observe des variations d’une année à l’autre.”
Benjamin, fils de la maison, fait des études d’agro à La Reid et vient en appui de son paternel. La relève se prépare…
Le Clos de Temme à Ouffet :
Bertrand Conchin
Vigneron à Huy, vice-président de l’AVW et président de l’Horticole et viticole de Huy, Bertrand Conchin est dans la vie… inspecteur de police. Un agenda bien chargé. Egalement passionné de viticulture, il s’est lancé dans l’aventure en 2018 grâce à la formation qu’il a acquise au vignoble du Clos Bois Marie, fondé, comme on le sait par Charles Legot dans les années soixante et, à son décès, repris par Alain Dirick, Marcel Mestrez et Frédéric Lepage. Ce vignoble occupe une place centrale dans le redémarrage de la viticulture à Huy, mais aussi en Wallonie.
Fort de son expérience, Bertrand Conchin plante en 2019 mille pieds de vignes sur une parcelle familiale et privilégie alors les variétés résistantes qu’il achète en Allemagne : 200 pieds de Satin noir (proche du Cabernet sauvignon), 100 Cabernet cortis, 100 Divona, 100 Bronner, 200 Cabernet blanc et 300 Johanniter. L’an dernier, il a ajouté 100 pieds de Sorelli, c’est, sauf erreur, le premier à le faire en Belgique.
En 2020, la récolte est faible et il assemble tous les raisins afin d’avoir 20 bouteilles d’un premier rosé. L’année suivante, il réussit à produire quelques bouteilles de crémant ainsi qu’un vin rouge et un vin blanc. En 2022, il obtient une plus grande quantité de raisins et décroche l’AOP Côte de Sambre et Meuse.
Aujourd’hui, la gamme est variée : un blanc (Bronner, Cabernet blanc et Divona), un crémant (Johanniter), ainsi qu’un vin rouge (Cabernet Cortis, Satin Noir) classique ainsi que le même vin passé en fût de chêne Barwal pendant 3 mois. Tous les vins sont dotés de l’AOP.
Pour l’heure, le Clos de Temme ne représente que 0,3 hectare, mais Bertand entend le faire passer à un hectare dans les prochaines années.
Durant les trois années de son mandat AVW, Bertrand souhaite défendre les intérêts des “petits vignerons”, c’est grâce à ceux-ci que la viticulture belge est en plein essor aujourd’hui. “Depuis quelques années, des vignobles professionnels ont fait leur arrivée en Belgique et ils sont, je pense, bien représentés au sein des administrateurs de l’AVW. Cependant, l’AVW doit être rassembleur avant tout et penser aux intérêts de tout un chacun.”
Notons que Bertrand est également associé chez Vivardent, professeur à la Reid en option viti-vini, professeur de vinification chez Perspective, consultant pour plusieurs vignobles et grand maître de la Confrérie du Vin du Perron de Huy. Infos: closdetemme.be
Le Domaine de Mehaignoul à Meux:
STEPHAN HENRY et GUILLAUME GROSJEAN
Situé à Meux, le domaine de Mehaignoul est un vignoble planté par Stephan Henry et Guillaume Grosjean et leurs épouses respectives. Il est situé dans une ferme en carré datant du 13e siècle d’une exceptionnelle authenticité. Planté en plusieurs étapes depuis 2020, le vignoble se développe actuellement sur 6,3ha et devrait atteindre à terme 10 hectares.
Le tout d’un seul tenant, juste devant la ferme, sur une terre sablo-limoneuse profonde. Ce qui permet une gestion optimisée des parcelles, notamment lors des épisodes de gel, mais surtout pour l’entretien général et quotidien du vignoble, qui devrait rapidement atteindre dix hectares. Deux variétés uniquement ici, Chardonnay et Pinot noir, avec l’ambition d’élaborer 90% d’effervescents et 10% de vins blancs tranquilles, des vins qui seront tous écoulés dans la région.
Le nouveau chai a accueilli en septembre dernier les premières cuves et barriques (pour stocker des vins de réserve). Le vignoble est suivi par l’œnologue champenois Franck Mazy (Viti-Concept) et Thomas Heeren, ce dernier étant très impliqué dans d’autres vignobles wallons. La prise de mousse sera réalisée par Philippe Fayard aux Délices de Marie. Les premiers vins ont été officiellement lancés le 21 novembre 2024 lors d’une soirée dans le restaurant éphémère du domaine, “Cocon” : “Jolies”, un crémant, de 2022, un chardo tranquille qui ne sera élaboré que les meilleures années.
Outre le logement de Stéphan et Rosalie Henry et de leurs 4 filles , la Ferme de Mehaignoul propose diverses salles de réception et de séminaires récemment rénovées, dont la plus grande peut accueillir jusqu’à 400 personnes à table, et 800 debout. Infos: mehaignoul.com
Le Clos des Zouaves à Thuin:
des dizaines de bénévoles
En 2001, alors que la viticulture wallonne moderne est encore balbutiante, la Distillerie de Biercée plante 1000 pieds sur cinq parcelles des jardins suspendus à Thuin, un nombre qui passera à neuf trois ans plus tard. Les premières vendanges ont lieu en 2003 et donnent alors 700 bouteilles de Regent qui obtiendront rapidement l’IGP Vin du pays des Jardins de Wallonie.
En 2011, l’asbl “Le vignoble thudinien” est créée autour du projet afin de lui assurer le meilleur avenir. Depuis 2012, par manque de volume, le vin est vinifié en vin doux naturel, en bouteilles de 50cl, un choix qui obligea toutefois le vignoble à sortir de l’appellation.
Aujourd’hui, la production oscille entre 700 et 1000 demi-bouteilles en année normale et jusqu’à 2000 lors de millésimes exceptionnels. Deux cents nouveaux pieds viennent d’être plantés pour remplacer ceux qui étaient trop anciens.
Présidé par Véronique Thomas, le Clos des Zouaves s’intègre dans le site patrimonial remarquable de Wallonie des Jardins Suspendus de Thuin, inscrits au patrimoine exceptionnel de Wallonie.
Son nom fait référence à une unité militaire célèbre au XIXe siècle. Datant de l’époque médiévale, ces terrasses donnent une idée de ce qu’a pu être la vigne en ville voici quelques siècles. Si l’on ne peut pénétrer dans le vignoble même, celui-ci est visible depuis le sentier de promenade et vaut largement le détour. Bonne promenade.
Portraits: Marc Vanel – Décembre 2024