Impossible d’ignorer le vin belge….par Charles Piron et Dirk Rodriguez
Essentielle Vino 1 Essentielle Vino 2
Impossible d’ignorer le vin belge….par Charles Piron et Dirk Rodriguez
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Après avoir publié en cinq épisodes la liste des vignobles wallons, quelques observations s’imposent…https://www.marcvanel.be/bilan-recensement/
Un quatuor de trentenaires a repris le domaine de Mellemont, presque aussi âgé qu’eux. Qu’est-ce qui a poussé ces jeunes entrepreneurs à se lancer dans le vin en Belgique?
Ils étaient à peine nés, ces quatre trentenaires, lorsque Pierre Rion, Étienne Rigo et François Vercheval ont planté leurs premiers pieds de vigne, et se sont lancés dans ce pari un peu fou de produire du vin, en Belgique, dans les plaines du Brabant wallon, à un jet de pierre de Perwez. En 1993, la viticulture belge n’était pas encore ce qu’elle est devenue aujourd’hui. Et il fallait être un peu barge pour se lancer dans une telle aventure.
Et sans doute, lorsqu’il s’est agi pour les trois pères fondateurs du domaine de passer la main, se sont-ils un peu reconnus dans ces quatre candidats, qui affichaient le même enthousiasme à la limite de l’insouciance. Passé le cap de la soixantaine, Rion, Rigo et Vercheval souhaitaient lever le pied et céder ce qu’ils avaient créé. « J’ai vu dans la presse que le domaine était à vendre. La viticulture, ça a toujours été un rêve pour moi, comme pour Antoine de Thibault. Cette opportunité, c’était pour nous! », se souvient Pierre-Alexandre Péters.
Sur un coup de tête, ils contactent les vendeurs. Pour étayer leur dossier, ils s’adjoignent deux de leurs amis, Marcus Humblet, fils du brasseur de la Bertinchamps et Mathieu Dumont de Chassart. Ces deux-là sont par ailleurs alliés par leurs épouses.
« Cette reconversion exige énormément d’humilité de notre part! Ça fait du bien de s’en rendre compte. »
« Nous étions tous les quatre plutôt dans les services. Ce retour à la terre avait quelque chose de très concret, auquel s’ajoute la magie du vin« , précise Péters, dont les beaux-parents possèdent des vignes en Italie.
Rien ne prédestinait ces jeunes gens de bonnes familles à devenir viticulteurs, fût-ce à temps partiel. Pierre-Alexandre Péters était manager chez Deloitte, avant de démissionner pour se lancer dans une nouvelle aventure professionnelle. Mathieu Dumont de Chassart a fait l’essentiel de sa carrière dans un bureau d’études en santé publique, dans les pays en voie de développement. Marcus Humblet s’occupe des opérations commerciales au sein de la brasserie familiale. Et Antoine de Thibault est juriste-fiscaliste à la Banque Delen. Hormis Humblet, aucun n’avait de lien avec le monde de l’agroalimentaire, et a fortiori avec celui du vin.
« C’est vraiment une affaire de passion », affirme Dumont de Chassart. Une passion suffisante pour se lancer totalement dans l’aventure. À tel point que Mathieu Dumont de Chassart a quitté son boulot dans la coopération pour se consacrer au moins trois jours par semaine à la gestion opérationnelle du domaine, les trois autres venant lui prêter main-forte à raison d’un jour par semaine.
Mais une passion qui demande aussi des compétences réelles. « On ne s’improvise pas viticulteurs. Cela s’apprend sur le long terme », estime Dumont de Chassart, qui entame une formation IFApme, pour acquérir les bases du métier. « Le trio fondateur répète toujours qu’en trente ans, ils n’ont fait QUE trente récoltes. C’est beaucoup sur la durée, mais c’est relativement peu sur l’expérience. »
Question de se faire la main et de prendre ses marques, le quatuor pourra compter sur l’aide des « anciens » qui les accompagneront pendant un an ou deux. « Et nous pourrons aussi compter sur l’expérience d’autres vignobles belges. C’est un tout petit monde, où les échanges sont nombreux », note encore Dumont de Chassart.
« Ce retour à la terre avait quelque chose de très concret, auquel s’ajoute la magie du vin. »
Dans sa configuration actuelle, le domaine de Mellemont compte 3,8 ha de vignes. De quoi produire 20.000 bouteilles dans une année normale, sauf accidents de parcours. En 2020, un champignon a détruit la moitié de la récolte, mais en 2018, les conditions exceptionnelles ont permis de produire 38.000 bouteilles. « C’est une activité qui dépend très largement de la nature, de la météo. Nous pouvons juste faire du mieux que l’on peut. On ne peut pas tricher avec la nature, ni avec le vin », reconnaît Péters. « Si on fait bien, la nature le rend, et la collaboration se passe bien. »
La nature, parlons-en. Le vignoble a été bien protégé par son implantation brabançonne lors des fortes gelées de début avril, alors que d’autres viticulteurs ont dû batailler des nuits entières pour protéger les précieux bourgeons. Penchés sur un pied de vigne des Vergers, Mathieu Dumont de Chassart et Pierre-Alexandre Péters auscultent le développement de la plante, relativement tardif cette année. « On reste très petit face à la nature. Et cette reconversion exige énormément d’humilité de notre part! Ça fait du bien de s’en rendre compte », poursuit Dumont de Chassart.
« L’idée est de créer un petit écosystème autour de la vigne, avec un restaurant, des salles de réception et de l’œnotourisme. »
Toujours en phase d’apprentissage, donc, le quatuor a aussi des projets plein la tête. Faire évoluer le domaine vers la biodynamienotamment, plutôt en vogue, mais très exigeante. Accroître la surface, aussi, au rythme de 1 à 2 ha tous les deux ans, si les conditions le permettent, pour approcher les 8 à 10 ha cultivés. Et puis sans doute faudra-t-il envisager de moderniser et de déplacer les chais. « L’idée est de créer un petit écosystème autour de la vigne, avec un restaurant, des salles de réception et de l’œnotourisme. »
Commercialement également, les jeunes vignerons ont des idées: rationaliser sans doute la production qui compte aujourd’hui, trois mousseux, trois blancs, un rosé… Trouver de nouveaux canaux de distribution pour élargir sa zone de chalandise. « Il faut trouver le bon positionnement, dans une gamme de vins belges qui montent en qualité et en réputation. Il faut jouer le jeu de cette communauté, mais nous voulons rester accessibles! », affirme Péters.
Marc VANEL livre ici un dossier phare de 16 pages sur les vignobles wallons.
« Relancée par quelques amateurs dans la région de Huy dans les années 1970, la viticulture prend un nouvel envol en Wallonie au début des années 2000 avec la création quasi simultanée de Ruffus et du Domaine du Chenoy. Deux réussites qui vont inspirer une nouvelle génération de vignerons. Simple passe-temps ou enjeu économique à une époque où la consommation locale a toute son importance ? »
Le Magazine trimestriel WAW n° 52 -Printemps 2021
vous emmène à la découverte de quelque 30 vignerons passionnés aux quatre coins de la Wallonie.
Nous nous permettons de reproduire ici les mots de Marc De Brouwer:Hugo BernarHugo Bernar 2Hugo Bernar3
En 2017, le Vignoble des Agaises avait perdu près de la moitié de la récolte à cause des gelées de l’année, 2021 pourrait malheureusement emboîter le pas.
« Le gel nous a touchés, explique Arnaud Leroy. Contrairement aux gelées printanières classiques, où il n’y pas de vent, nous avons été confrontés à une gelée hivernale, avec un vent froid, qui empêche les tours antigel d’être efficaces à 100%. Nous chiffrerons les pertes la semaine prochaine, mais on estime qu’entre 25 et 35% des bourgeons ont déjà été perdus lors des gelées de la semaine passée, et le froid s’abat de nouveau sur le domaine… Il a encore gelé cette nuit et on annonce encore plus froid ce soir… » Prudence donc.
Ses deux voisins, le Domaine du Chant d’Eole et le Domaine Mont des Anges, semblent toutefois avoir été épargnés.
« Les tours antigels ont fonctionné ces deux dernières nuits, confiait Hubert Ewbank à Quévy avant-hier, je pense que ce n’était pas nécessaire, mais on n’a pas voulu prendre de risque! »
Une peu plus loin, au Domaine Mont des Ages (Nouvelles et Havay), Vincent Debusscher est confiant: « Pas de dégâts pour l’instant. Nous avons mis des bougies dans les lignes de bas de coteaux pour créer un rideau de chaleur, installé 5 canons à chaleur Agrofrost sur 2 ha ainsi qu’une éolienne mobile sur 1.5ha. Nous veillons encore toute cette semaine. »
La suite dans https://www.marcvanel.be/gel-2021-wallonie/
Pionniers de la viticulture wallonne, les trois hommes viennent de céder le vignoble qu’ils lançaient en 1993. Objectif? Pérenniser le domaine.
En 1993, Pierre Rion, Etienne Rigo et François Vercheval mettaient sur pied l’un des premiers vignobles wallons contemporains. Un acte quasi militant qui allait ouvrir la voie au renouveau de la viticulture dans nos contrées.
Aujourd’hui, leur Domaine de Mellemont, situé à Thorembais-les-Béguines (Brabant wallon), a bien grandi. Et compte quelque 11.000 pieds en cépages traditionnels répartis sur un peu moins de 4 hectares.
Mais les fondateurs ont, eux aussi, bien grandi. Enfin, mûri plutôt. Atteignant un cap: soixante ans. De quoi amener à réfléchir. « Il était temps de considérer pérenniser le vignoble », évoque Pierre Rion, business angel et président de l’association des vignerons wallons.
Une décision a donc été prise: vendre. Mais pas à n’importe qui. À des jeunes, « passionnés et motivés », « animés du même esprit que nous, à savoir de vouloir élaborer un produit local de qualité, abordable et respectueux de l’environnement ».
Ces jeunes, ce sont Pierre-Alexandre Péters, Antoine de Thibault, Matthieu Dumont de Chassart et Marc-Edouard Humblet qui, épaulés par l’Invest.BW et CBC, reprennent le flambeau. Et ce, dans le cadre d’une transaction dont le montant n’a pas filtré.
Tout au plus apprend-on que l’accord passé entre les parties prévoit un « accompagnement actif » des nouveaux exploitants par les fondateurs du domaine « durant deux saisons« .
Le Domaine de Mellemont produit quelque 20.000 bouteilles en moyenne par an – avec un pic à environ 40.000 bouteilles lors de l’excellente année 2018 -, dont la moitié de vin effervescent. Il fut durant ses dix premières années le plus important de Wallonie avant d’être rattrapé par les domaines du Chenoy (famille Philippe Grafé) et des Agaises (famille Leroy) au tournant de l’an 2000.
Aujourd’hui, ce dernier est toujours en tête fort de sa célèbre cuvée Rufus. Pour autant, d’autres domaines sont, eux aussi, montés en puissance plus récemment, comme le Chant d’Eole (famille Ewbank de Wespin), qui augmentait ses capacités de production l’an dernier, le Chateau de Bioul (famille Vaxelaire) ou encore le Château Bon Baron (famille Van der Steen).
Avec une certaine forme de loi de Pareto à dénoter du côté de la viticulture wallonne puisque 60% de la production (près de 240 Ha) sont aux mains de moins de 10% des exploitants.
L’on notera enfin que même du côté des familles actionnaires de référence du géant brassicole AB InBev, on a osé l’infidélité du moût au lieu du malt. Aux alentours de 2010, Frédéric de Mévius s’est en effet décidé à ramener le raisin au domaine de la Falize, situé au nord de Namur.
Du Trends-Tendances du 11/02/2021
17/02/21 à 08:35
Soixante-et-un vignobles ont été créés en Wallonie au cours des cinq dernières années. Au dernier décompte, on approche les 300 hectares de vignes pour 200 domaines. Cet engouement, il faut le financer et, aussi étrange que cela puisse paraître, cela coûte plus cher que chez nos voisins. Comment nos vignerons s’y prennent-ils s’ils n’ont pas de fortune personnelle?
Dans le monde du vin, il y a un vieil adage qui dit que si un vigneron veut devenir millionnaire, il doit commencer avec 10 millions et il finira millionnaire… C’est encore plus vrai en Wallonie. Les sommes investies sont importantes, l’amortissement se compte en vingtaines d’années et il ne faut pas trop regarder à l’éventuel rendement financier. Bien sûr, il y a des exceptions. Mais n’est pas Ruffus qui veut. Pour bien mesurer l’ampleur de la tâche financière, il faut compter 2,5 millions d’euros pour un domaine de 10 hectares, terre, matériel et fonds de roulement compris.
« Pour ce prix-là, il est tout à fait possible de s’offrir un vignoble productif dans une des belles appellations de Loire, voire un cru classé dans d’autres régions, explique Christophe Heynen, Master of Wine et patron de l’importateur de vins Gustoworld. Clairement, c’est beaucoup moins risqué d’aller acheter un domaine à l’étranger. Dernièrement, j’ai vu des domaines bordelais partir à des prix proches des 12.000 euros l’hectare planté. »
35.000 euros
Prix moyen de l’hectare de terres agricoles en Wallonie, en hausse de plus de 40% depuis 2015.
En 2019, le prix moyen d’un hectare de terres agricoles en Belgique s’élevait, lui, à 46.778 euros. Un prix qui a grimpé de 30% depuis 2015. La hausse est encore plus forte en Wallonie (+41,8%) avec un prix moyen proche des 35.000 euros. Soit quasiment trois fois le prix bordelais évoqué par Christophe Heynen. Le bail à ferme est beaucoup plus raisonnable avec un prix moyen de 304 euros par an et par hectare. Mais il n’est pas sans risque. En France, par exemple, des terres qui allaient passer en grand cru classé ont ainsi été reprises par leur propriétaire au grand dam du vigneron… « Le terrain coûte horriblement cher, poursuit Christophe Heynen. Le prix a même tendance à encore monter quand on évoque un projet viticole. La viticulture n’a pas besoin d’une terre arable comme en Hesbaye. A priori donc, la valeur du terrain devrait être plus faible. Mais nous sommes victimes de l’engouement pour le vin wallon. J’ai vu partir des parcelles à 70.000 euros l’hectare. »
Pour bien mesurer l’ampleur de la tâche financière, il faut compter 2,5 millions d’euros pour un domaine de 10 hectares, terre, matériel et fonds de roulement compris.
Ce coût explique pourquoi le prix des bouteilles wallonnes est si élevé. Mais il reflète la hauteur de l’investissement consenti. Le souci, c’est qu’il n’est pas toujours accompagné d’une qualité irréprochable. Même si, évidemment, nos vignerons font d’énormes progrès. « Nous avons eu beaucoup de passionnés en Wallonie, poursuit Christophe Heynen. Ils ont souvent appris en faisant des erreurs au départ de connaissances empiriques. Mais la professionnalisation est en marche. La hauteur des investissements à consentir explique pourquoi la voie de la qualité et du haut de gamme est la seule possible. Elle explique aussi pourquoi nous sommes spécialisés dans les bulles. Elles permettent d’atteindre plus vite la rentabilité. Le prix de revient est quasi équivalent au vin tranquille mais le prix de vente est, lui, nettement plus élevé. Sans compter un rendement plus important à l’hectare. »
Comment donc développer un domaine si l’on ne dispose pas d’une fortune personnelle? Les financements participatifs et alternatifs ont évidemment la cote. Le plus bel exemple wallon se situe à Saintes, dans le Brabant wallon. Dimitri et Sophie Wautier y ont installé leur domaine W sur les terres familiales. Des terres et une ferme en indivision qu’il a fallu racheter au prix du marché mais sans réelle pression. Aujourd’hui, le couple dispose de huit hectares conduits en bio et en biodynamie et plantés des trois cépages champenois: chardonnay, pinot meunier et pinot noir. Le couple a financièrement bien mené sa barque pour développer son projet de vie.
« Quand nous avons commencé il y a 10 ans, nous avions 250.000 euros d’économie, explique Dimitri. Dans un premier temps, nous avons cherché des associés. Nous avons constitué des parts de 500 euros à concurrence de 49% du capital. En deux mois, avec nos économies, nous avons atteint les 500.000 euros. Depuis, nous avons réalisé une deuxième augmentation de capital à 850 euros la part. Nous avons levé 200.000 euros supplémentaires sans perdre la majorité et sans rajouter de l’argent grâce au principe des parts bénéficiaires attribuées via un apport en industrie. A faire une seule fois donc. »
Sensible à l’aspect coopérative mais désireux de ne pas perdre le contrôle, le couple va avoir une idée de génie: le Club W. Moyennant le paiement d’un droit d’entrée unique (de 300 à 3.600 euros aujourd’hui), le membre se voit garantir, sur 10 ans, un nombre défini de bouteilles, l’accès à une multitude d’activités et de soirées et une priorité d’achat pour d’autres bouteilles. Ce n’est pas un succès mais une folie! Aujourd’hui, 700 personnes sont membres avec un droit d’entrée moyen de 1.000 euros. « Ces 700.000 euros, ce fut de la trésorerie pour les années difficiles car rien n’était à vendre, poursuit Dimitri. Nous avons pu acheter un matériel de pointe et nous offrir une main-d’oeuvre de top niveau. Le Club W, c’est un crowdfunding très long. Il nous a permis de viser le très haut de gamme sans nous presser puisque le financement était là. Ce système a intrigué les banques qui sont venues nous trouver. Comment un vignoble débutant pouvait-il avoir ses trois premiers exercices à l’équilibre sans rien vendre? Nous avons contracté des prêts pour améliorer l’accueil, les salons, le hall de réception, etc. Pour un montant de 700.000 euros. Nous avons donc levé 2,1 millions parfaitement divisés en trois parts égales. Et sans nous octroyer le moindre salaire… »
Au mois de décembre dernier, le Domaine W a lâché ses 2.500 premières bouteilles. La qualité était au rendez-vous et tout est parti. Le domaine a généré 300.000 euros de rentrées en 2020. Facile d’imaginer la suite quand la production passera à 10.000 bouteilles (vendange 2019 – vente 2021) puis 20.000 bouteilles (vendange 2020 – vente 2022). Ces rentrées vont permettre au couple d’enclencher la phase suivante: une deuxième salle de réception et une cave plus grande pour autoriser la mise en place de cuvées spéciales à vieillissement plus long.
Financier de formation, Vincent De Busscher cherche depuis 2013 à établir son propre vignoble en Belgique. Passionné de bulles, il ne pouvait que s’installer dans la région montoise, non loin de Ruffus et de Chant d’Eole, où le terroir calcareux et marneux appartient au bassin parisien, soit le même qu’en Champagne. Aujourd’hui, le domaine du Mont des Anges est devenu réalité et commence à produire des bouteilles. Financièrement, Vincent De Busscher n’a pas fait comme tout le monde. S’il propose, comme le domaine W, une formule de packs (la deuxième campagne vient de commencer et proposera des offres de 500 à 5.000 euros) moyennant une garantie de recevoir des bouteilles et de participer à des activités, il ne possède pas le moindre hectare de terre.
Lire aussi: Des vins de fourchette
« Nous avons conclu un bail emphytéotique avec les propriétaires de nos 12 premiers hectares, explique-t-il. Nous payons chaque année un canon emphytéotique indexé qui, grosso modo, vaut quatre ou cinq fois le paiement annuel d’un bail à ferme. Nous visons trois ou quatre hectares supplémentaires mais ceux-là, nous allons les acheter. Enfin, si nous y arrivons! » Nous, c’est Vincent De Busscher et Laurianne Lejour, dont la famille exploite le Domaine Potié à Condé-sur-Marne en Champagne. Ils sont majoritaires dans la société qui compte deux associés supplémentaires. Outre des subsides et des lignes de leasing auprès de banques locales qui permettent au domaine de ne payer que pour ce qu’il utilise, notamment au niveau du matériel, le Mont des Anges a levé 185.000 euros à la fin 2019 via du financement participatif: 85.000 via la première campagne des packs et 100.000 suivant la formule du prêt Coup de Pouce de la Sowalfin, l’outil public wallon d’aide au financement des PME. Il s’agit d’un système qui vise à mobiliser l’épargne privée. Les prêteurs (maximum 125.000 euros par personne et 250.000 euros récoltés par emprunteur) bénéficient, en plus de différentes formules de remboursement avec intérêts, d’un crédit d’impôt de 4% pendant les quatre premières années et de 2,5% sur les suivantes.
« Ce sont surtout des amis, des copains et des voisins qui m’ont confié leur épargne à l’époque, conclut Vincent De Busscher. Avec la deuxième vague de vente de packs, j’espère lever entre 100.000 et 200.000 euros qui vont permettre de financer la plantation des six derniers hectares déjà en notre possession, d’étendre la cuverie et de compléter notre matériel, notamment au niveau de la protection contre le gel. Dans trois ans, j’espère pouvoir lancer la construction de notre chai. Ce n’est qu’à ce moment-là que je ferai appel aux banques et aux invests régionaux. »
Le principe de la coopérative est vieux comme le monde dans la viticulture. Vin de Liège en est le champion belge avec 2.300 coopérateurs et 3,2 millions d’euros de capital. Pas mal pour un domaine de 16 hectares devenu très qualitatif. A Sirault, dans le Hainaut, l’expérience est plus modeste mais elle bénéficie d’un engouement sans précédent. Le Vignoble de Sirault compte trois hectares pour 11.000 pieds de vigne plantés. Il a démarré autour de 11 coopérateurs A. « Quand nous avons démarré la souscription pour les coopérateurs B, à raison de 500 euros la part et 10 parts maximum par personne, nous avons été surpris par son succès, confie Jean-Christophe Vanderelst, pharmacien du village et président de la coopérative. Il faut dire que les souscripteurs pouvaient bénéficier du tax shelter réservé à l’investissement dans les start-up. Ils sont 200 aujourd’hui dont l’extrême majorité habite Sirault. Cela nous a permis de lever 210.000 euros que nous avons complétés par une ligne de crédit de 140.000 euros de W.Alter de la SRIW. Il faut commencer à la rembourser progressivement au bout de cinq ans. »
Cette mise de départ a permis à la coopérative de se lancer, de planter les trois hectares couverts par des baux à ferme, d’acheter le matériel de viticulture et de vinification dont huit jarres en terre cuite et de con-clure un leasing immobilier pour le chai flambant neuf. 2.500 bouteilles ont été mises en vente en 2019, 3.000 l’an dernier. N’en cherchez pas, tout est parti! « C’est de la folie, explique Thierry Vangulick, journaliste et secrétaire de la coopérative. La première année, nous avons vendu 800 bouteilles sur une après-midi. Evidemment, nos coopérateurs sont prioritaires. Mais nous réservons 200 bouteilles au Spar du village. Il vend tout en deux jours et les gens font la file dehors pour avoir leur bouteille. Cela ira mieux quand nous arriverons à la production normale de 12.000 à 15.000 bouteilles. »