Fin avril, 11.5 hectares de cépages résistants ont été plantés à Annevoie. Derrière ce projet ambitieux, le cardiologue Léopold Loumaye et son père Ernest-Tom qui ont choisi d’en confier la responsabilité au Namurois Damien Briard, vigneron-œnologue qui vient de passer trente ans à Bordeaux et en Champagne…
Célèbre destination touristique de la vallée mosane, le château d’Annevoie et ses jardins ont été rachetés en 2017 par Ernest-Tom Loumaye qui s’est engagé à remettre l’ensemble en état. L’extérieur du château sera terminé cette année, et l’intérieur l’année prochaine, mais pour les jardins (12 hectares), même si le visiteur peut déjà les visiter, il faudra attendre 4 à 5 ans pour que tout soit refait. Et ce, sous la surveillance de l’Agence wallonne du patrimoine, car le bien est classé.
Pour ajouter une corde à leur arc, Ernest-Tom Loumaye et son fils Léopold ont décidé de planter 11,5 hectares de vignes sur une prairie qu’ils possédaient déjà avant de racheter le Château, à quelques centaines de mètres de là. « J’ai toujours eu une passion pour le vin, explique Léopold, ce vignoble est un moyen pour nous de diversifier l’activité des Jardins et ce qui tourne autour. Nous avons commandé les plants il y a un peu plus d’un an, rencontré Damien Briard un peu avant Noël 2019 par l’intermédiaire de Philippe Berger du CEFOR (qui habite Annevoie) et voilà… depuis avril, il est là, matin et soir. »
Un sérieux atout
S’il est un peu le résultat d’un concours de circonstances, le choix de Damien Briard est plus qu’un atout. Originaire d’Anhée, la commune voisine, il quitte la Belgique à 18 ans pour vivre sa passion de vigneron. En dix ans, il va travailler comme technicien viticole ou oenologue pour 27 châteaux à Bordeaux, en Afrique du Sud et en Champagne.
En 2005, il crée aussi le domaine Agape à Quinsac en Côtes-de-Bordeaux et le Château de la Dame Verte (où il faisait un Merlot en macération carbonique peu conventionnel) mais après deux années de gel majeur, 2017 et 2018, il revend tout et monte dans un premier temps en Champagne. Sa rencontre avec Philippe Berger, bien connu des concours de dégustation à l’aveugle, va changer le cours des choses.
“C’est surtout la page blanche qui m’a convaincu, explique Damien Briard. Puis aussi le fait que je savais que Philippe Grafé était intervenu pour conseiller Léopold sur les relations cépages-terroirs, car c’est lui qui m’a appris à déguster quand j’avais 16 ans, c’est amusant de le retrouver dans la boucle. J’aime ce défi, où tout est à faire: les vins, la cuverie (qui sera installée dans une des granges du Château), les étiquettes, le développement… Nous avons eu la bonne idée de revenir en plein Covid, ce fut un peu rock’n’roll mais sympathique malgré tout.”
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Bio
Cinq variétés de vignes ont été plantées le 20 avril dernier: 4ha de Johanniter et 4ha de Sauvignac pour des vins mousseux et blancs, 1.5ha de Cabaret noir, 1ha de Solaris et 1ha de Cabernet blanc.
Pour un vigneron habitué aux cépages classiques, le changement risque-t-il d’être radical? « Non, c’est le bon choix. Surtout quand je vois les dégâts dus actuellement par l’oïdium en Champagne où la vigne est en avance de deux semaines, ou les ravages du mildiou dans le Bordelais où il a vraiment beaucoup plu. Après, je ne sais pas encore quels vins nous ferons, monocépages ou assemblages, cela se fera en fonction de la découverte gustative, mais j’ai déjà dégusté de jolis vins élaborés avec les mêmes cépages. On démarre ici en bio, avec un rang sur deux enherbé, on verra en fonction des conditions climatiques comment cela évoluera. L’idée est de gérer les terroirs en fonction du climat : argile en haut de coteau, sable au milieu, retour sur argile et schiste en bas, un peu d’ardoise aussi. »
Devant l’ampleur du projet, du personnel sera-t-il engagé? « Des saisonniers certainement, mais uniquement pour cela. J’ai taillé 140 hectares tout seul cet hiver. Avec un sécateur électrique, on peut tailler 2500 pieds par jour, ce sera l’affaire de vingt jours. »
Cuverie
Un chai de vinification sera installé dans une des granges du château, tout sera réalisé sur place, même pour les effervescents (prise de mousse et dégorgement). A terme, un volume de 55.000 bouteilles devraient être produites.
Pour la commercialisation, comme le souligne Léopold Loumaye avec sourire, « les Jardins voient passer 60.000 visiteurs par an, l’essentiel sera donc venu sur place ainsi que dans les beaux restaurants des environs. » Rendez-vous en 2022 pour les premières bouteilles.
Marc Vanel, 29/5/20