Les vins de Wallonie dans Le Figaro des 14 et 15 octobre

 

 

 

 

Le vin belge n’est pas la première

chose qui traverse l’esprit quand

on parle du plat pays. Les habitants

eux-mêmes semblent surpris, et rares

sont les restaurants à proposer une sélection

locale. « Produire du vin dans un

pays de bière n’est pas exempt de difficultés,

et demander aux Belges de le boire,

c’est encore une autre affaire »,

s’amuse le sommelier d’une table de

Namur. L’histoire du vignoble belge ne

manque pas de piquant.

Homme d’affaires, le baron Pierre

Rion en est à l’origine : « Un jour de

1990, je m’aperçus que ma cave possédait

des vins de tous les pays, sauf du

mien. L’après-midi même, je suis parti

avec ma femme en voiture acheter cent

pieds de vigne chez un pépiniériste au

Luxembourg, puisqu’en Belgique on n’en

trouvait pas. C’est comme ça que j’ai

planté ma vigne. » Le premier hectare

d’un ensemble de 20 ha auquel Pierre

Rion, aujourd’hui président de l’Association

des vins de Wallonie, donna le

nom de domaine de Mellemont. « On

me prenait pour un fou, poursuit-il, car,

depuis le XVe siècle, on ne produisait

quasiment plus de vin en Belgique, puis,

de récolte en récolte, on a moins ri… »

D’autres initiatives ont vu le jour sur

tout le territoire. Environ 250 ha de vignes

(dont 150 ha en Wallonie), dominées

par le chardonnay, ont produit plus

de 1 million de bouteilles en 2015, essentiellement

du vin mousseux méthode

traditionnelle. Le reste se partage en vin

blanc (30 %) et en vin rouge (10 %).

« J’ai glissé, lors d’une dégustation à

l’aveugle en France, un vin belge entre

deux bourgognes et deux mâconnais, ra-

conte Jean-Jacques Herremans, chef de

culture au vignoble de l’abbaye de Villers,

et le vin belge est arrivé deuxième. »

Un excellent sol calcaire, le réchauffement

de la Belgique et un savoir-faire

acquis dans les écoles d’oenologie du

voisin gaulois favorisent cette renaissance.

À en croire Pierre Rion, les Français

n’y seraient pas indifférents :

« Nous avons du calcaire, nous sommes à

peu près à la même latitude que la Champagne

; du coup, certaines maisons

champenoises se disent : “Pourquoi ne

pas planter chez les Belges ?” » Le ministre

wallon de l’Agriculture, René

Collin, qui est aussi celui du Tourisme, a

flairé l’aubaine et a décidé cet automne

de créer une première route du vin (1):

trente haltes, vignerons et cavistes, répartis

en Wallonie. À l’échelle de ce petit

pays que l’on ne met jamais plus de

trois heures à traverser, les rares

vignobles se nichent parfois dans des

endroits inattendus. Découverte en

trois étapes.

50 000 bouteilles

au château de Bioul

Dans la riante vallée de la Meuse,

l’étonnant château de Bioul, architecture

éclectique au coeur du village éponyme,

est dans une même famille de riches

entrepreneurs depuis plus de cinq

générations. En 2009, Vanessa Wyckmans

a planté une vigne (d’aujourd’hui

10 ha), dont une partie sur le parc anglais

de l’élégante demeure : « Je voulais

faire un vin du Nord, à l’acidité importante,

dont l’identité ressemble à notre

terre, mélange de cailloux et de

feuilles… » Des cépages ultrarésistants

ont été importés de Suisse et d’Autriche.

Le vignoble, qui produit chaque

année près de 50 000 bouteilles, en majorité

du rosé et du blanc (de 12 € à

18,50 €), est considéré comme l’un des

plus intéressants du royaume. On déguste

dans les anciennes écuries, transformées

en chai.

1, place Vaxelaire, Bioul.

Tél. : + 32 71 79 99 43.

www.chateaudebioul.be

Abbaye de Villers, une production

asssurée par des bénévoles

Ruines colossales, escaliers esseulés…

l’abbaye de Villers, au nord de Namur,

est un Jumièges belge que Victor

Hugo décrit dans Les Misérables. Le

clos où l’abbé cultivait sa vigne a été

restauré. 1 000 pieds y ont été plantés,

dont 200 de blanc (monocépage à

base de phoenix) et 800 de rouge

(monocépage à base de régent). La

production, assurée par des bénévoles,

est encore trop faible pour être

commercialisée, mais on goûte au

précieux breuvage lors des visites

guidées de l’abbaye, fleuron du patrimoine

belge.

55, rue de l’Abbaye, Villers-la-Ville.

Tél. : + 32 71 88 09 80. www.villers.be

Domaine des Agaises,

des cuvées primées

Des bâtiments contemporains de verre

et d’acier coiffent un joli coteau plein

sud, près de Mons. De vastes étendues

colorent l’horizon, découpées en rectangle

de culture. En une vague verte,

les vignes moutonnent sur un sol où affleure

le calcaire comme une écume.

C’est le domaine des Agaises, le plus

abouti. Pierre Leroy, un des plus importants

négociants de vins en Belgique,

associé au Champenois Thierry

Gobillard, ont en 2001 planté 29 ha

(85 % de chardonnay et 25 % de pinots

noir et meunier). La totalité de la production

(200 000 bouteilles), les cuvées

Ruffus, plusieurs fois primées, est vendue

avant même sa commercialisation

(14 €).

1, chemin d’Harmignies,

Hauchin. Tél. : + 32 497 88 53 10.

www.ruffus.be ■

(1) La route des vins et spiritueux

de Wallonie (au départ de Namur).

voiture indispensable,

itinéraire à télécharger sur

walloniebelgiquetourisme.fr

COUP DE COEUR

CHÂTEAU LE BOSCQ 2012,

SAINT-ESTÈPHE, CRU

BOURGEOIS MÉDOC ROUGE

Fondée en 1840, présidée

par Patrick Jestin, l’entreprise

Dourthe exploite aujourd’hui

plus de 500 hectares de vigne

à Bordeaux, déployant son

savoir-faire sur des territoires

et appellations aussi divers que

haut-médoc, pessac-léognan,

saint-émilion, ou cadillac-côtesde-

bordeaux. En développant ses

implantations et son implication

dans le vignoble, elle s’est centrée

sur la qualité et l’innovation. Tous

ses vignobles sont dirigés

par Frédéric Bonnafous, à l’instar

de celui du Château Le Boscq, une

propriété de 18 hectares dont la

demeure fut construite en 1891.

La gabare qui trône au sommet

de l’étiquette du vin symbolise

d’une part la propriété et sa

proximité avec l’estuaire de la

Gironde, mais aussi la nomination

« bourgeois » de son cru en 1932,

époque à laquelle son vin était

transporté en barriques

sur ce fameux bateau.

Dans le très joli 2012, ample,

suave, plein et rond, se fondent

harmonieusement gras,

onctuosité, tanins fins et vivacité

qui rebondit en finale, fraîche

et fruitée. VALÉRIE FAUST

28 € chez les cavistes

ou sur www.lacavedourthe.com

» Accord mets-vin : que boire

avec un boeuf bourguignon ?

www.lefigaro.fr/vin

+@  SUR LE WEB

Le vin belge n’est pas la première

chose qui traverse l’esprit quand

on parle du plat pays. Les habitants

eux-mêmes semblent surpris, et rares

sont les restaurants à proposer une sélection

locale. « Produire du vin dans un

pays de bière n’est pas exempt de difficultés,

et demander aux Belges de le boire,

c’est encore une autre affaire »,

s’amuse le sommelier d’une table de

Namur. L’histoire du vignoble belge ne

manque pas de piquant.

Homme d’affaires, le baron Pierre

Rion en est à l’origine : « Un jour de

1990, je m’aperçus que ma cave possédait

des vins de tous les pays, sauf du

mien. L’après-midi même, je suis parti

avec ma femme en voiture acheter cent

pieds de vigne chez un pépiniériste au

Luxembourg, puisqu’en Belgique on n’en

trouvait pas. C’est comme ça que j’ai

planté ma vigne. » Le premier hectare

d’un ensemble de 20 ha auquel Pierre

Rion, aujourd’hui président de l’Association

des vins de Wallonie, donna le

nom de domaine de Mellemont. « On

me prenait pour un fou, poursuit-il, car,

depuis le XVe siècle, on ne produisait

quasiment plus de vin en Belgique, puis,

de récolte en récolte, on a moins ri… »

D’autres initiatives ont vu le jour sur

tout le territoire. Environ 250 ha de vignes

(dont 150 ha en Wallonie), dominées

par le chardonnay, ont produit plus

de 1 million de bouteilles en 2015, essentiellement

du vin mousseux méthode

traditionnelle. Le reste se partage en vin

blanc (30 %) et en vin rouge (10 %).

« J’ai glissé, lors d’une dégustation à

l’aveugle en France, un vin belge entre

deux bourgognes et deux mâconnais, ra-

PHILIPPE VIGUIÉ-DESPLACES

pviguiedesplaces@lefigaro.fr

ENVOYÉ SPÉCIAL EN WALLONIE

OÙ DORMIR ?

Dream Hôtel, au coeur

de la jpetite ville de Mons.

Installé dans une ancienne

église, ce quatre-étoiles

dispose d’un spa, à partir

de 94 euros : 17, rue de

la Grande-Triperie.

Tél. : + 32 65 32 97 20.

www.hoteldream.be

The Royal Snail, à Namur,

un boutique hôtel de luxe,

design, en bordure de la Meuse,

avec un spa et une très bonne

table, autour de 150 euros :

23, avenue de la Plante.

Tél. : + 32 81 57 00 23.

www.theroyalsnail.com

AGENDA

Festival des Vins de Wallonie,

au Charleroi Espace Meeting

Européen, à Charleroi,

les 18 et 19 novembre,

entrée: 5 euros.

www.vinsetgourmandisesde

wallonie.be

+Carnet de route

 

Le château de

Bioul et sa vigne.

FABRICE DEBATTY