Le vin belge n’est pas la première
chose qui traverse l’esprit quand
on parle du plat pays. Les habitants
eux-mêmes semblent surpris, et rares
sont les restaurants à proposer une sélection
locale. « Produire du vin dans un
pays de bière n’est pas exempt de difficultés,
et demander aux Belges de le boire,
c’est encore une autre affaire »,
s’amuse le sommelier d’une table de
Namur. L’histoire du vignoble belge ne
manque pas de piquant.
Homme d’affaires, le baron Pierre
Rion en est à l’origine : « Un jour de
1990, je m’aperçus que ma cave possédait
des vins de tous les pays, sauf du
mien. L’après-midi même, je suis parti
avec ma femme en voiture acheter cent
pieds de vigne chez un pépiniériste au
Luxembourg, puisqu’en Belgique on n’en
trouvait pas. C’est comme ça que j’ai
planté ma vigne. » Le premier hectare
d’un ensemble de 20 ha auquel Pierre
Rion, aujourd’hui président de l’Association
des vins de Wallonie, donna le
nom de domaine de Mellemont. « On
me prenait pour un fou, poursuit-il, car,
depuis le XVe siècle, on ne produisait
quasiment plus de vin en Belgique, puis,
de récolte en récolte, on a moins ri… »
D’autres initiatives ont vu le jour sur
tout le territoire. Environ 250 ha de vignes
(dont 150 ha en Wallonie), dominées
par le chardonnay, ont produit plus
de 1 million de bouteilles en 2015, essentiellement
du vin mousseux méthode
traditionnelle. Le reste se partage en vin
blanc (30 %) et en vin rouge (10 %).
« J’ai glissé, lors d’une dégustation à
l’aveugle en France, un vin belge entre
deux bourgognes et deux mâconnais, ra-
conte Jean-Jacques Herremans, chef de
culture au vignoble de l’abbaye de Villers,
et le vin belge est arrivé deuxième. »
Un excellent sol calcaire, le réchauffement
de la Belgique et un savoir-faire
acquis dans les écoles d’oenologie du
voisin gaulois favorisent cette renaissance.
À en croire Pierre Rion, les Français
n’y seraient pas indifférents :
« Nous avons du calcaire, nous sommes à
peu près à la même latitude que la Champagne
; du coup, certaines maisons
champenoises se disent : “Pourquoi ne
pas planter chez les Belges ?” » Le ministre
wallon de l’Agriculture, René
Collin, qui est aussi celui du Tourisme, a
flairé l’aubaine et a décidé cet automne
de créer une première route du vin (1):
trente haltes, vignerons et cavistes, répartis
en Wallonie. À l’échelle de ce petit
pays que l’on ne met jamais plus de
trois heures à traverser, les rares
vignobles se nichent parfois dans des
endroits inattendus. Découverte en
trois étapes.
50 000 bouteilles
au château de Bioul
Dans la riante vallée de la Meuse,
l’étonnant château de Bioul, architecture
éclectique au coeur du village éponyme,
est dans une même famille de riches
entrepreneurs depuis plus de cinq
générations. En 2009, Vanessa Wyckmans
a planté une vigne (d’aujourd’hui
10 ha), dont une partie sur le parc anglais
de l’élégante demeure : « Je voulais
faire un vin du Nord, à l’acidité importante,
dont l’identité ressemble à notre
terre, mélange de cailloux et de
feuilles… » Des cépages ultrarésistants
ont été importés de Suisse et d’Autriche.
Le vignoble, qui produit chaque
année près de 50 000 bouteilles, en majorité
du rosé et du blanc (de 12 € à
18,50 €), est considéré comme l’un des
plus intéressants du royaume. On déguste
dans les anciennes écuries, transformées
en chai.
1, place Vaxelaire, Bioul.
Tél. : + 32 71 79 99 43.
www.chateaudebioul.be
Abbaye de Villers, une production
asssurée par des bénévoles
Ruines colossales, escaliers esseulés…
l’abbaye de Villers, au nord de Namur,
est un Jumièges belge que Victor
Hugo décrit dans Les Misérables. Le
clos où l’abbé cultivait sa vigne a été
restauré. 1 000 pieds y ont été plantés,
dont 200 de blanc (monocépage à
base de phoenix) et 800 de rouge
(monocépage à base de régent). La
production, assurée par des bénévoles,
est encore trop faible pour être
commercialisée, mais on goûte au
précieux breuvage lors des visites
guidées de l’abbaye, fleuron du patrimoine
belge.
55, rue de l’Abbaye, Villers-la-Ville.
Tél. : + 32 71 88 09 80. www.villers.be
Domaine des Agaises,
des cuvées primées
Des bâtiments contemporains de verre
et d’acier coiffent un joli coteau plein
sud, près de Mons. De vastes étendues
colorent l’horizon, découpées en rectangle
de culture. En une vague verte,
les vignes moutonnent sur un sol où affleure
le calcaire comme une écume.
C’est le domaine des Agaises, le plus
abouti. Pierre Leroy, un des plus importants
négociants de vins en Belgique,
associé au Champenois Thierry
Gobillard, ont en 2001 planté 29 ha
(85 % de chardonnay et 25 % de pinots
noir et meunier). La totalité de la production
(200 000 bouteilles), les cuvées
Ruffus, plusieurs fois primées, est vendue
avant même sa commercialisation
(14 €).
1, chemin d’Harmignies,
Hauchin. Tél. : + 32 497 88 53 10.
www.ruffus.be ■
(1) La route des vins et spiritueux
de Wallonie (au départ de Namur).
voiture indispensable,
itinéraire à télécharger sur
walloniebelgiquetourisme.fr
COUP DE COEUR
CHÂTEAU LE BOSCQ 2012,
SAINT-ESTÈPHE, CRU
BOURGEOIS MÉDOC ROUGE
Fondée en 1840, présidée
par Patrick Jestin, l’entreprise
Dourthe exploite aujourd’hui
plus de 500 hectares de vigne
à Bordeaux, déployant son
savoir-faire sur des territoires
et appellations aussi divers que
haut-médoc, pessac-léognan,
saint-émilion, ou cadillac-côtesde-
bordeaux. En développant ses
implantations et son implication
dans le vignoble, elle s’est centrée
sur la qualité et l’innovation. Tous
ses vignobles sont dirigés
par Frédéric Bonnafous, à l’instar
de celui du Château Le Boscq, une
propriété de 18 hectares dont la
demeure fut construite en 1891.
La gabare qui trône au sommet
de l’étiquette du vin symbolise
d’une part la propriété et sa
proximité avec l’estuaire de la
Gironde, mais aussi la nomination
« bourgeois » de son cru en 1932,
époque à laquelle son vin était
transporté en barriques
sur ce fameux bateau.
Dans le très joli 2012, ample,
suave, plein et rond, se fondent
harmonieusement gras,
onctuosité, tanins fins et vivacité
qui rebondit en finale, fraîche
et fruitée. VALÉRIE FAUST
28 € chez les cavistes
ou sur www.lacavedourthe.com
» Accord mets-vin : que boire
avec un boeuf bourguignon ?
www.lefigaro.fr/vin
+@ SUR LE WEB
Le vin belge n’est pas la première
chose qui traverse l’esprit quand
on parle du plat pays. Les habitants
eux-mêmes semblent surpris, et rares
sont les restaurants à proposer une sélection
locale. « Produire du vin dans un
pays de bière n’est pas exempt de difficultés,
et demander aux Belges de le boire,
c’est encore une autre affaire »,
s’amuse le sommelier d’une table de
Namur. L’histoire du vignoble belge ne
manque pas de piquant.
Homme d’affaires, le baron Pierre
Rion en est à l’origine : « Un jour de
1990, je m’aperçus que ma cave possédait
des vins de tous les pays, sauf du
mien. L’après-midi même, je suis parti
avec ma femme en voiture acheter cent
pieds de vigne chez un pépiniériste au
Luxembourg, puisqu’en Belgique on n’en
trouvait pas. C’est comme ça que j’ai
planté ma vigne. » Le premier hectare
d’un ensemble de 20 ha auquel Pierre
Rion, aujourd’hui président de l’Association
des vins de Wallonie, donna le
nom de domaine de Mellemont. « On
me prenait pour un fou, poursuit-il, car,
depuis le XVe siècle, on ne produisait
quasiment plus de vin en Belgique, puis,
de récolte en récolte, on a moins ri… »
D’autres initiatives ont vu le jour sur
tout le territoire. Environ 250 ha de vignes
(dont 150 ha en Wallonie), dominées
par le chardonnay, ont produit plus
de 1 million de bouteilles en 2015, essentiellement
du vin mousseux méthode
traditionnelle. Le reste se partage en vin
blanc (30 %) et en vin rouge (10 %).
« J’ai glissé, lors d’une dégustation à
l’aveugle en France, un vin belge entre
deux bourgognes et deux mâconnais, ra-
PHILIPPE VIGUIÉ-DESPLACES
pviguiedesplaces@lefigaro.fr
ENVOYÉ SPÉCIAL EN WALLONIE
OÙ DORMIR ?
Dream Hôtel, au coeur
de la jpetite ville de Mons.
Installé dans une ancienne
église, ce quatre-étoiles
dispose d’un spa, à partir
de 94 euros : 17, rue de
la Grande-Triperie.
Tél. : + 32 65 32 97 20.
www.hoteldream.be
The Royal Snail, à Namur,
un boutique hôtel de luxe,
design, en bordure de la Meuse,
avec un spa et une très bonne
table, autour de 150 euros :
23, avenue de la Plante.
Tél. : + 32 81 57 00 23.
www.theroyalsnail.com
AGENDA
Festival des Vins de Wallonie,
au Charleroi Espace Meeting
Européen, à Charleroi,
les 18 et 19 novembre,
entrée: 5 euros.
www.vinsetgourmandisesde
wallonie.be
+Carnet de route
Le château de
Bioul et sa vigne.
FABRICE DEBATTY